A propos

TerriStories, l’histoire d’un engagement collectif

Tout a commencé à la fin des années 90, avec le succès des expériences de cartographies (SIG) participatifs dans la Vallée du Sénégal (D’Aquino et al. 2002). Les populations rurales y confirmentleurs capacités à s’appuyer sur des informations complexes pour prendre en charge leurs enjeux socioéconomiques et environnementaux, mais de façon si efficace qu’elles parviennent rapidement à nous souligner les limites de la simple représentation cartographique, que ce soit pour co-construire des corps opérationnels de règles, se projeter sur des contraintes peu visibles aujourd’hui mais qui vont s’accentuer (croissance démographique, expansion des terres cultivées, accroissement du bétail, changements climatiques…), et élaborer collectivement des stratégies collectives efficaces pour y parvenir ensuite de façon autonome : la cartographie participative permet de règles les urgences, mais la projection collective nécessaire pour aller plus loin ne peut se contenter de l’information statique et conjoncturelle qu’elle fournit.
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A l’époque où de premiers chercheurs utilisaient des jeux de rôles (Barreteau 1998¹, Piveteau 1994²),l’idée a germé d’étendre l’expérimentation de cet outil à une utilisation directe par les populations de la Vallée, pour les aider à simuler les futurs possibles et leurs propres scenarios de solutions. Le matériau utilisé pour ces premières expériences est très succinct (des post-it sur une carte), mais cela suffit à lancer une prospective collective qui aboutira à des décisions concrètes d’aménagement du territoire (D’Aquino et al. 2003). Cette innovation s’appuyant sur les jeux de rôles, combinées à d’autres en France et ailleurs, ont été à l’origine de la création d’un réseau scientifique international, le réseau Companion Modelling³.

La reproduction des premières expériences montre l’impact formidable qu’elles ont sur les participants, provoquant une véritable intelligence collective, d’où émerge à chaque fois des solutions à la fois originales, opérationnelles (car testées et progressivement améliorées durant les simulations), et qui s’ancrent dans les valeurs collectives que les participants peuvent mettre eux-mêmes au centre du « jeu ». En émergent des dynamiques autonomes, qui se poursuivent, seules, au-delà des séances.

Les jeunes chercheurs et acteurs de la société civile qui mettent en œuvre à ces premières expériences y voient au-delà d’un outil une approche (la façon dont tout est fait pour laisser les participants jouer avec leurs propres connaissances et leurs propres points de vue sur le monde, la focalisation mise sur l’émergence de dynamiques autonomes et durables après le jeu) qui les enthousiaste et qu’ils ont envie de partager et de diffuser. C’est là que commence la véritable aventure : transformer une façon de faire en partie intuitive en un support utilisable par tout le monde.

L’outil, c’est-à-dire le jeu en lui-même, a donc été conçu par Patrick D’Aquino, agent du Cirad, entre 2010 et 2014. L’approche globale TerriStories, plus large que l’outil en lui-même (cf. supra), s’est co-construite progressivement durant les premières années d’utilisation du jeu à grande échelle (2015-2016), grâce à l’implication collective de l’ONG Enda-Pronat et de l’investissement individuel de jeunes chercheurs⁴ , aujourd’hui parmi les experts de la démarche.

C’est comme cela qu’est progressivement né TerriStories, son support de leu, les modalités deformation de ses animateurs, la précision de sa posture participative et politique. Après 2014 et une première utilisation à l’échelle de tout le Sénégal par la société civile, la diffusion de l’approche a ainsi continué dans d’autres pays et d’autres continents, toujours portée par un groupe de militants autant qu’experts, groupe qui grandit lui aussi progressivement.